Initiative populaire (3) : la Suisse et l’Allemagne

Avant d’en venir à la situation belge, il vaut la peine de se donner quelques points de comparaison. La Suisse et l’Allemagne sont deux états fédéraux (dont le fédéralisme est sans doute plus cohérent qu’en Belgique) connaissant diverses procédures d’initiative populaire.

La Suisse

À côté de son Conseil national (composé par élection au scrutin proportionnel) et du Conseil des états (chaque canton y désigne ses représentants selon ses propres règles), celle-ci connaît en effet depuis plus d’un siècle, à son niveau fédéral[1],

  • le référendum obligatoire sur les révisions constitutionnelles adoptées par le Parlement et l’adoption des traités internationaux
  • le référendum facultatif d’initiative populaire sur les lois adoptées par le Parlement
  • le référendum d’initiative populaire en vue de modifier la Constitution

Il n’y a donc pas de référendums (type « Brexit ») organisés sur base d’une libre décision des autorités politiques (ce que certains nomment alors « plébiscite »). Il n’y a pas non plus, au niveau fédéral toujours, de référendums d’initiative populaire en matière législative, mais bien une possibilité de veto sur base d’une initiative populaire (b). Cependant, lorsqu’un référendum d’initiative populaire entraîne une modification de la Constitution (c), cela conduit généralement à des modifications législatives, qui pourraient à leur tour éventuellement faire l’objet d’un veto populaire (b).

Les référendums sont également au cœur de la vie démocratique des cantons et leur étendue y est même souvent plus large qu’au niveau fédéral (variable selon les cantons): on y pratique, par exemple, le référendum financier (pour les dépenses dépassant un certain montant), le référendum législatif (et constitutionnel) obligatoire, l’initiative législative (et constitutionnelle)… De plus, les grandes communes organisent également de nombreux référendums de divers types (les plus petites fonctionnant quant à elles sur base d’assemblées populaires ouvertes). Ainsi, pour donner une idée de ce que ces différents référendums représentent en termes d’intervention démocratique, un citoyen de Zurich a pu participer, en une seule année, tous niveaux confondus, à 6 élections et 30 votations[2] !

L’Allemagne

Les seize états fédérés allemands[3] disposent de l’initiative populaire décisionnelle (IPD) en matière législative. Une proposition de loi d’initiative populaire doit être soit acceptée par le parlement du Land, soit soumise par référendum à la décision du peuple. Il s’agit donc d’une initiative « indirecte »[4] puisque le référendum n’est pas automatique.

Douze des seize Lander connaissent également l’initiative populaire « propositive » (IPP) par laquelle est soumise au parlement du Land une simple proposition sur laquelle il doit se prononcer après débat sans qu’un référendum soit possible en dernier ressort. En contrepartie, l’IPP bénéficie d’un élargissement de ses objets possibles et d’un assouplissement de ces modalités.

Enfin, notons encore que cinq Lander sur les douze qui connaissent les deux types d’initiative lient celles-ci entre elles faisant de l’IPP la première étape de l’IPD[5]. Tous les Lander reconnaissent également la possibilité (moyennant diverses limitations) d’une révision partielle[6] de la Constitution par le moyen d’une initiative populaire.

[1] La Suisse fédère 26 cantons disposant chacun de leurs propres constitution, Parlement, gouvernement et tribunaux.

[2] Voir Bruno Kaufmann, Rolf Büchi, Nadja Braun, Guide de la démocratie directe en Suisse et au-delà, IRI, 2007, pp.116-120.

[3] Stéphane Schott, L’initiative populaire dans les états fédérés allemands, contribution à la connaissance d’une institution démocratique, L.G.D.J., 2012, pp.36-46.

[4] Elle est directe dans la majorité des états fédérés américains concernés.

[5] Entre 1946 et 2007, 43 IPP non liées et 206 IPP liées ou demandes d’IPD. Sur ces 206 procédures, 14 ont conduit à l’organisation d’un référendum. S. Schott, p.46.

[6] De façon très intéressante, le Land de Brandebourg (environ 2,5 millions d’habitants) prévoit la possibilité d’une initiative populaire de révision totale de la Constitution via une demande (par au moins 10% du corps électoral) d’élection d’une assemblée constituante. La décision d’organiser cette élection est soumise au peuple par le biais d’un référendum (qui doit recueillir une majorité de 2/3 sur au moins la moitié du corps électoral) sauf décision favorable du parlement à une majorité des 2/3. S. Schott, p.300-301.

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