Sans revenir sur l’épisode CETA en tant que tel, on peut difficilement admettre que celui-ci ait pu être présenté par certains hommes politiques, voire certains journalistes, comme un moment fort dans la vie démocratique de la Belgique ou même de l’Europe. Indépendamment même de l’évaluation controversée des gains obtenus, autrement dit même s’il pouvait être avéré que des gains substantiels ont été obtenus grâce au blocage wallon, parler d’une victoire « démocratique » serait plus qu’exagéré.
Certes, un travail parlementaire sérieux – auditions d’experts et d’acteurs de la société civile, délibérations approfondies se concluant par le vote d’une résolution à une large majorité – semble s’être déroulé en amont de la position adoptée par le Ministre-Président wallon. Certes, on pourrait penser sur base de cette séquence que la forte mobilisation de la société civile a été entendue par les parlementaires (une fois n’est pas coutume) qui eux-mêmes ont su faire entendre leur voix au gouvernement (une fois n’est pas coutume).
Mais, d’une part, sur le plan des faits, on peut exprimer les plus grands doutes sur cette mise en avant d’une « success-story » de la démocratie représentative et, d’autre part, sur le plan des principes, comment nommer « démocratique » un processus politique qui fait dépendre des seuls choix circonstanciels de quelques individus le destin de millions d’autres ?
Sur le plan des faits, pour appuyer une lecture moins angélique de ceux-ci, il faut se remémorer la façon dont divers traités européens, aux effets tout à fait délétères sur les marges de manœuvre des politiques publiques belges, ont été adoptés sous la précédente législature dite « papillon », en particulier le Traité budgétaire. Les partis actuellement au pouvoir au niveau régional faisant alors également partie de la majorité fédérale, qui plus est avec le poste de Premier Ministre, la belle démocratie délibérative que l’on nous vante dans le dossier CETA fut étouffée sans l’ombre d’une hésitation par une particratie autoritaire. N’est-il pas probable que la même configuration partisane aujourd’hui aurait entraîné les mêmes effets ? Comment douter de ce que, dans le dossier CETA, les véritables décisions ont été prises également d’abord et avant tout au niveau des partis concernés en fonction principalement d’enjeux de communication politique, en particulier se montrer combattif aux yeux de certaines catégories sociales (« le peuple de gauche » ou les agriculteurs) ?
L’image d’une « success-story » démocratique relève pour l’essentiel de l’habillage de la communication politique qui aime raconter des histoires à ceux, nombreux, qui aiment les entendre, voire qui en ont besoin dans ce monde politiquement dévasté ! On en trouvera, nous semble-t-il, une confirmation dans la campagne de communication qui s’est déclenchée dans les médias et sur les réseaux sociaux, dès la conclusion de l’accord belgo-belge, pour convaincre le grand public de la proximité des dirigeants à ses préoccupations et des gains obtenus. La belle histoire !
Venons-en au plan des principes. Que penser du caractère démocratique d’un système politique dans lequel les principales orientations prises dans les affaires publiques sont si peu articulées de façon structurelle à une large délibération publique, réellement ouverte à une participation utile des citoyens ? Que penser du caractère démocratique d’institutions politiques qui font dépendre à ce point la recherche de l’intérêt général de circonstances particulières et non d’une constitution, d’une configuration institutionnelle faisant droit obligatoirement (c’est-à-dire sans dépendre de la bonne volonté ou des calculs tactiques de qui que ce soit) à l’expression politique des citoyens et à la possibilité pour eux de codécider de leurs affaires publiques ?
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